Rapa Nui
Rapa Nui, c’est le nom que donnent les pascuans à l’ïle de Pâques. Pour des raisons administratives et sûrement historiques, l’île appartient au Chili, mais la culture est polynésienne, au même titre qu’Hawaï pour les Etats-Unis. Cette culture est issue de peuples de Chine du Sud de 5000 ans av J.C. qui ont navigué petit à petit vers l’Ouest : Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Polynésie française, et enfin Hawaï et l’ïle de Pâques. La rencontre entre cette culture et la culture sud-américaine s’est faite beaucoup plus tardivement et conserve ses parts d’ombres.
Nous nous envolons donc vers 3h du matin de Papeete vers cette île en plein milieu du Pacifique, réputée la plus isolée au monde, puisque la première autre île se trouve à 2000 km, rien que ça.
Nous arrivons sur ce petit aéroport aux alentours de midi. La température est un peu redescendue par rapport à Moorea, et le gestionnaire du camping vient nous chercher à l’aéroport. Eh oui, la vie de château est finie pour nous : plus de salle de bains privée, plus de petit bungalow laotien à 5€ la nuit. Nous sommes dans un des deux pays les plus développés d’Amérique du Sud, et cela nous ramène doucement à la réalité : nous n’avons pas les moyens de payer un hotel à 30€ par nuit. Le camping sera très bien, la tente est confortable, et surtout il y a une cuisine au chaud.
Nous commençons la visite de l’île par l’un des sites majeurs : le village d’Orongo, là où avait lieu le rite de l’homme oiseau. Un autre site majeur de l’île est celui de la carrière des Moais, ces fameuses statues géantes.
Ces deux cultes n’ont jamais réellement cohabité ; il y eut tout d’abord le culte des ancêtres pendant lequel les Moais étaient sculptés et érigés. Il fût délaissé, pour une raison inconnue, au profit du culte de l’homme oiseau qui a duré 150 ans environ jusqu’en 1861.
Revenons à ce rituel qui avait lieu à Orongo, sur les bords du volcan Rano Kau, à l’extrémité sud-ouest de l’île. Chaque clan désignait un homme, qui, sur une embarcation de fortune en roseau, rejoignait une île à quelques kilomètres en pleine mer, pour y sélectionner un sterne (un type d’oiseau). Le premier homme à ramener un œuf sur la terre devenait l’homme oiseau pour un an, et arbitrait les différends entre les clans. Voilà déjà une partie de ce qui fait le charme de cette île : comment des humains aussi isolés dans le monde ont-ils pu développer une culture et une organisation aussi complexe en si peu de temps ? D’où leur vient cette vénération pour ce dieu Make-Make unique au monde ?
Nous redescendons le soir pour nous poser au soleil couchant devant les premiers Moais que nous voyons vraiment de près. Nous nous ferons aussi surprendre par des chiens voulant attraper des chevaux un peu appeurés. L’image qu’il en reste est belle.
L’île de Pâques n’est pas très grande, elle est en forme de triangle et d’une superficie d’environ 40km². Pour ce deuxième jour, nous partons à pied explorer deux autres sites intéressants. Dès le départ une chienne aux yeux vairon décide de nous suivre dans notre balade. Nous longeons la côte abrupte et morcelée, on se croirait en Bretagne.
Le retour nous paraît un peu long : plus de 7 km à faire sur la route, mais par hasard une pascuane nous prend en stop, je demande quand même si c’est gratuit, puisqu’il est marqué taxi sur le véhicule. Oui, oui, pas de problème. Une bonne marche d’économisée !
Malgré notre motivation de marcheurs, il nous faudra quand même un moyen de locomotion pour explorer la partie la plus au nord de l’île, et notamment la fameuse carrière de Moais. Nous prenons des vélos pour la journée, et comme hier, ce n’est pas un mais deux chiens qui nous suivent. Et même quand nous allons plus vite, ils accélèrent également, tous contents d’avoir un maître pour quelques heures.
Nous nous sommes pas mal arrêtés pour observer, et nous arrivons à la carrière alors qu’il est déjà une heure bien avancée. Il a été prouvé par les archéologues que tous les Moais proviennent de cette carrière. Mais comment ont-ils fait pour transporter ces blocs énormes en un seul morceau et sans bois puisque l’île n’en possède pas ? En fait, il y avait bien du bois sur l’île auparavant, mais avant cette découverte, le transport des statues était un mystère.
Autre mystère : il y a dans cette carrière des Moais à chaque étape de leur fabrication, comme si le travail avait été arrêté du jour au lendemain. L’explication est là plus floue : y a-t-il eu une guerre de clans sur l’île arrêtant la production, ou celle-ci a-t-elle été arrêtée volontairement ? Cet arrêt est-il lié au manque d’arbres sur l’île, empêchant ainsi le transport ? Une période de sécheresse pourrait être aussi à la base d’un arrêt de production des Moais ? Il reste beaucoup de questions sans réponse mais encore une fois, la culture développée par les pascuans est réellement unique en son genre. Malheureusement pour eux, ce sont les maladies nouvelles apportées par la colonisation ainsi que les rapts de marchands d’esclaves péruviens qui ont eu raison d’eux et de leur culture.
La visite se poursuit par le site de Tongariki, constitué d’une quinzaine de statues. Situé devant une baie aux eaux claires, la vue est splendide.
La suite de nos péripéties concerne le vélo… Il semblerait que le vélo de Sophia ait un problème. En regardant de plus près, je commence à démonter la roue, je force un peu, mon sac est dans mon dos mais ouvert. Et là, patatra, le reflex dans le sac fait une chute d’1m50, l’objectif et le boitier se séparent. Je suis dégoûté, on verra les dégâts ce soir au camping. Nous sommes au point le plus au Nord de l’île et il nous faut rentrer. La route est une montée de quelques kilomètres avant une descente finale, Sophia sature vraiment du vélo, ces 50 kilomètres accumulés dans la journée auront raison de ses mollets, et nous nous reposerons la journée suivante pour compenser.
Le soir nous passons sur le site proche de la ville, Tahai. On se rend compte encore une fois de la taille de la statue.
Pour notre dernier jour plein ici nous ferons une randonnée de 7 heures le long de la côte nord-est. Il n’y a pas de route, nous coupons à travers champs. Nous verrons en tout en pour tout 3 marcheurs pressés derrière nous.
La fin de la randonnée donne sur la crique d’Anakena et sa plage de sable blanc, avec encore une fois des Moais en toile de fond. C’est ici que les Polynésiens auraient accosté pour la première fois. La légende raconte qu’un roi Polynésien aurait eu besoin de trouver une autre île, pour une raison indéterminée précisément (volonté des dieux, guerre de clans, …). D’ailleurs, une île de la Polynésie française se nomme Rapa également (Rapa Iti, dans l’archipel des Australes).
Il ne nous reste plus qu’à ranger nos affaires, écrire nos dernières cartes postales du bout du monde, et monter dans l’avion tout neuf direction la prochaine étape : l’Amérique du Sud. Nous sommes ravis d’avoir pu découvrir cette île de bout en bout, on n’y revient peut-être pas deux fois dans une vie…
Il me reste un peu de place pour une dernière dédicace à notre famille polynésienne préférée !